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Les actes du colloque de l’ANJAP du 18 novembre 2016 : “et maintenant, quelle réforme pour les longues peines ?”

Vous retrouverez ci-après les interventions du colloque de l’ANJAP du 18 novembre 2016 consacré aux longues peines : “et maintenant, quelle réforme pour les longues peines ?”

Il s’est agit, au cours de cette journée, d’évoquer la problématique spécifique des personnes détenues sur une longue période, la difficulté à travailler le parcours d’exécution de peine, à mettre en place un suivi adapté en milieu ouvert.

Nous avons tenté de faire le point sur l’existant, de mettre en valeur des pratiques innovantes, en espérant que les échanges entre nous tous ont permis à chacun de repartir avec des pistes de réflexion susceptibles d’enrichir nos manières de faire sur le terrain.

9 heures - Ouverture du colloque et état des lieux sur les longues peines par Cécile DANGLES Présidente de l’ANJAP :

état des lieux sur les longues peines

1/ Le parcours des longues peines

François GOETZ, directeur de la Maison Centrale de POISSY,

Loïc LECHON CPIP Maison Centrale SAINT MARTIN DE RE

Séverine MACIEJEWSKI, psychologue PEP au centre pénitentiaire de LILLE ANNOEULLIN

2/ L’accès à l’aménagement de peine dans les établissements pour peine

Alain BLANC, président de la CPMS de DOUAI,

retrouvez l’intervention d’Alain BLANC :

l’accès à l’aménagement de peine dans les établissements pour peine - Alain BLANC

Mme PETIT directrice adjointe du Centre National d’Evaluation, centre pénitentiaire du Sud Francilien, REAU

retrouvez l’intervention de Mme PETIT :

La méthodologie de l’évaluation de la dangerosité au CNE de Réau

pour approfondir :

les cas d’admission au CNE :

les cas d’admission au CNE

du CNO au CNE :

du CNO au CNE

Rappel des propositions de la mission Cotte :

L’article 730-2 du code de procédure pénale prévoit en effet que, lorsqu’une personne a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité ou lorsqu’elle a été condamnée soit à une peine d’emprisonnement ou de réclusion criminelle égale ou supérieure à quinze ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru, soit à une peine d’emprisonnement ou de réclusion criminelle égale ou supérieure à dix ans pour une infraction mentionnée à l’article 706-53-13 du code précité (champ d’application de la surveillance et de la rétention de sûreté), la libération conditionnelle ne peut être accordée 1) que par le tribunal de l’application des peines quelle que soit la durée de la détention restant à subir, 2) qu’après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (« la CPMS » ), rendu à la suite d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues et assortie d’une expertise médicale. S’il s’agit d’un crime mentionné au même article 706-53-13, cette expertise est réalisée soit par deux experts médecins psychiatres, soit par un expert médecin psychiatre et par un expert psychologue titulaire d’un diplôme, certificat ou titre sanctionnant une formation universitaire fondamentale et appliquée en psychopathologie. L’expertise se prononce sur l’opportunité, dans le cadre d’une injonction de soins, du recours à un traitement utilisant des médicaments inhibiteurs de libido, mentionné à l’article L. 3711-3 du code de la santé publique.

La procédure ainsi définie prévoit donc plusieurs étapes :
1) une expertise médicale, par un ou deux experts selon les cas,
2) une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité en Centre national d’évaluation (« le CNE » ),
3) l’avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (« la CPMS » ).

Le président de la CPMS, saisi par le juge ou par le tribunal de l’application des peines, ordonne le placement de la personne, pour une durée d’au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues aux fins d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité. La CPMS donne son avis au vu de cette évaluation - qui fait l’objet d’un rapport qui lui est adressé – et de l’expertise réalisée ; il est valable pour une durée de deux ans. Cet avis n’est que consultatif et ne lie donc pas le tribunal de l’application des peines.

L’un des principaux problèmes rencontrés réside dans l’articulation des délais qu’il convient de respecter lors de la mise en application de cette procédure :
• le débat contradictoire devant le tribunal de l’application des peines doit avoir lieu au plus tard le sixième mois suivant la demande de libération conditionnelle formulée par la personne concernée (article D. 49-36 du code de procédure pénale) ;
• l’article R. 61-9 du même code prévoit que la commission rend un avis motivé dans les trois mois de sa saisine et qu’à défaut d’avis dans ce délai, le juge de l’application des peines peut faire procéder à l’examen de la dangerosité ;
• enfin, l’article D. 527-1 du code de procédure pénale prévoit que la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté doit rendre son avis dans un délai de six mois à compter de sa saisine. Si l’avis n’est pas rendu dans ce délai, le tribunal de l’application des peines peut s’en dispenser.

Il s’avère pourtant que l’ensemble de la procédure (transfert au centre national d’évaluation, examen de dangerosité, procédure devant la CPMS) se déroule sur une durée bien supérieure aux délais imposés et que le tribunal de l’application des peines n’est en réalité pas en mesure de statuer dans le respect de ces délais spécifiques.

Actuellement, la plupart des huit CPMS ne rendent leurs avis que dans des délais oscillant entre 9 et 18 mois.

Il en résulte, compte tenu des délais incompressibles exigés en pratique par la réalisation d’une expertise, la remise de l’avis de la CPMS après l’évaluation effectuée par le CNE, puis l’audiencement devant le tribunal de l’application des peines, que, si une personne condamnée dépose une demande de libération conditionnelle deux ans avant la fin de sa peine, le reliquat de peine restant à subir, au moment où interviendra la décision, ne permettra pas un suivi conséquent. Face à une telle situation, les condamnés renoncent dès lors aux demandes qu’ils avaient formulées et leur sortie intervient alors sans aucune forme de suivi judiciaire.

De plus, en l’état des textes, le rapport du CNE - qui sert de base à l’avis qu’émet la CPMS - n’est communiqué qu’à celle-ci et non pas au juge de l’application des peines alors pourtant qu’il contient des éléments particulièrement riches susceptibles d’être fort utiles dans le cadre du parcours d’exécution de la peine de la personne concernée que ce soit en milieu fermé ou en en milieu ouvert.

Cette évaluation est réalisée dans l’une des antennes du CNE pendant une durée de six semaines. Le détenu quitte alors son lieu de détention habituel et un autre regard est porté sur sa personne et sur son parcours. Il est conduit à s’adapter à de nouvelles situations, il lui est demandé d’évoquer de nouveau les faits commis ainsi que son histoire personnelle, il est soumis aux évaluations du personnel de surveillance, des psychologues et des psychiatres, des conseillers d’insertion. Chacun expose ses observations avant que ne soit rédigée une conclusion pluridisciplinaire comportant un avis et des orientations.

Il existe actuellement trois centres nationaux d’évaluation : Fresnes, le centre pénitentiaire francilien et Lille Séquedin

Pour la commission, il est donc particulièrement regrettable de se priver d’une évaluation aussi complète et donc aussi utile. Aussi estime-t-elle devoir proposer :

• de maintenir l’évaluation réalisée par le CNE : elle serait obligatoire pour les peines de réclusion criminelle à perpétuité mais facultative dans les autres cas ;

• de supprimer la CPMS dont les délais d’instruction sont trop longs alors qu’il faut être en mesure de se prononcer dans des délais permettant de mettre en place un suivi d’un minimum de durée, étant au surplus souligné que l’avis de la CPMS est souvent moins riche que celui formulé par le CNE ;

• de prévoir une communication du rapport du CNE au juge de l’application des peines en charge de la mesure de privation de liberté ;

• de créer des antennes supplémentaires du CNE (de l’ordre de deux ou trois) afin de mieux les répartir sur le territoire et d’éviter ainsi ou de réduire la rupture des liens familiaux pendant la durée de cette période d’évaluation qui se déroule hors de l’établissement pénitentiaire d’origine.

Rappel des propositions de l’ANJAP

Il convient d’abroger l’article 730-2 du code de procédure pénale qui rend inutilement difficile l’octroi de libérations conditionnelles pour les longues peines, en raison notamment de l’augmentation considérable des cas nécessitant la saisine de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (CPMS) et par conséquent du centre national d’évaluation (CNE).

En effet, si une personne condamnée à 10 ans d’emprisonnement pour un viol aggravé, dépose une requête en libération conditionnelle 2 ans avant sa fin de peine, compte tenu des délais incompressibles de réalisation d’une expertise double, de réalisation de l’avis de la CPMS suite à l’évaluation par le CNE, puis d’audiencement devant le tribunal de l’application des peines, le reliquat au moment de la décision couvrira à peine la période probatoire minimale d’un an prévue par ce texte. Cette situation conduit les condamnés à renoncer à leurs demandes. Leur sortie se fait alors sans aucune forme de suivi judiciaire, contrairement à la philosophie de la loi du 15 août 2014.

Ainsi, il faut, a minima, simplifier son champ d’application, assouplir la procédure et permettre de moduler la durée de la mesure probatoire.

Il est ainsi proposé :
 de maintenir l’évaluation par le CNE, qui serait obligatoire pour les peines de réclusion criminelle à perpétuité, mais facultative dans les autres cas ;
 de supprimer la CPMS (afin de raccourcir le temps d’instruction des demandes en supprimant un avis souvent moins riche que celui réalisé par le CNE) ;
 de maintenir le principe d’une mesure probatoire qui serait obligatoire pour les peines - de réclusion criminelle à perpétuité, mais facultative dans les autres cas ;
 de prévoir que la durée des mesures probatoires soit comprise entre 6 mois minimum et 2 ans maximum (au lieu d’un an minimum et de trois ans maximum actuellement), avec la possibilité d’en ordonner la mainlevée à tout moment ;

3/ Pour une consécration de l’individualisation au stade de l’application des peines

Bruno COTTE, président honoraire de la chambre criminelle de la Cour de cassation, président de la mission de refonte du droit des peines

Retrouvez l’intervention de Bruno COTTE :

pour une refonte du droit des peines - Bruno COTTE

Mireille IMBERT-QUARETTA, conseillère d’Etat honoraire, membre de la commission de refonte du droit des peines

Retrouvez l’intervention de IMBERT-QUARETTA :

les longues peines - Mireille IMBERT QUARETTA

4/ Les longues peines, quel suivi en milieu ouvert ?

Hélène Casarin, ANVP (association nationale des visiteurs de prison), expérimentation des cercles de soutien et de responsabilité

Alain BOULAY, président de l’APEV (association d’aide aux parents d’enfants victimes)

Clôture par M Dominique RAIMBOURG, président de la commission des lois de l’Assemblée Nationale

retrouvez la clôture du colloque :

cloture du colloque

publié le jeudi 16 mars 2017 (Date de rédaction antérieure : 16 mars 2017).